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Photo du rédacteurLili-Lune Suire

BookMark #1 : Antigone et Emilie Ducrocq

Dernière mise à jour : 4 déc. 2023

Pour ce premier BookMark, c’est Emilie Ducrocq, professeure de français, qui a été interviewée pour parler de l’oeuvre littéraire qui l’a le plus marquée. Après plusieurs semaines de réflexion, elle a décidé de nous parler de la fameuse pièce de théâtre Antigone, et, plus particulièrement dans la version de Jean Anouilh.


En effet, la version d’Antigone de Jean Anouilh est loin d’être l’originale. C’est au dramaturge grec Sophocle, vivant au Ve siècle avant Jésus Christ, que l’on doit la naissance de la pièce en moins 441.


Antigone est la quatrième et la dernière fille d’Oedipe et de Jocaste. Elle a une soeur qui se prénomme Ismène ainsi que deux frères : Eteocle et Polynice. Ces derniers, étant jumeaux, sont tous deux les héritiers de la couronne de Thèbes. Ils ont alors passé un accord : ils régneraient chacun leur tour sur la ville, une année sur deux. Evidemment, cet accord est de courte durée et il ne leur faut pas longtemps pour qu’ils s’entretuent. L’oncle de la fratrie, Créon, est alors déclaré roi et il décide d’enterrer dignement Etéocle, mais interdit quiconque de faire de même avec Polynice car il est considéré comme un traître. C’est alors qu’Antigone, révoltée, décide d’inhumer son défunt frère. Elle demande de l’aide à sa soeur, mais, en vain. Elle décide donc de le faire seule. Cependant, Antigone ne veut pas être discrète, elle veut montrer à tout le monde son acte de révolte sans avoir peur des conséquences. Elle est alors condamnée par son oncle à être enterrée vivante. Mais, Hémon, le fils de Créon, qui est aussi le fiancé d’Antigone, s’enferme avec elle dans le cercueil. Lorsque le roi apprend cela, il réouvre le tombeau et observe Antigone pendue avec sa ceinture. Hémon, lui, se suicide sous les yeux de son père après lui avoir craché au visage et dans le même instant, la reine qui venait de perdre son fils, se suicide à son tour.


Jean Anouilh a modernisé la pièce et ses personnages dans le contexte de la seconde guerre mondiale, avec les costumes et les problématiques de cette période. La pièce, écrite entre 1941 et 1942, est jouée pour la première fois à Paris en 1944 sous l’occupation allemande, et c’est un succès ! Le public voyait alors en Antigone l’allégorie de la rébellion. Le plus étonnant étant les nombreux officiers et soldats allemands qui assistaient aux représentations.

Cette adaptation a suscité beaucoup d’interprétation du public, plus ou moins contradictoires. Cependant, elle a réussi à faire parler et à toucher les spectateurs dans ce qu’ils vivaient et ressentaient.

 

Voici donc l’interview d’Emilie Ducrocq, qui nous a fait l’honneur de parler de nous parler de l’oeuvre qui a été la plus marquante pour elle.



Vous avez décidé de nous parler de la pièce Antigone, dans la version de Jean Anouilh. Pourquoi ce choix ?

Et bien c’est une oeuvre qui m’a marquée. Je l’ai découvert lorsque j’était en 3ème. En terme de lecture j’était à une période de ma vie où en 4ème j’était bien écoeurée par Eugénie

Grandet de Balzac* donc j’était un peu écoeurée de lire. Et dans un premier temps, dans ma vie d’ado, ce bouquin m’a vraiment raccrochée à la littérature. Et après Antigone, je suis partie sur tout le théâtre de Sophocle, tout le théâtre antique et toutes les reprises de Jean Giraudoux*, et je me suis mise à faire du théâtre. Donc, c’était un moment important de mon adolescence en terme littéraire.


 
  • Honoré de Balzac est un écrivain français du XIXe siècle. Il est principalement connu pour ses romans, mais il était aussi dramaturge, journaliste, critique littéraire et d’art, essayiste et imprimeur. Il a notamment été une des inspirations de Gustave Flaubert.

  • Eugénie Grandet est l’un de ses nombreux romans. Paru en 1834, il raconte justement l’histoire de la famille Grandet. Son père ayant fait fortune, la jeune Eugénie est très convoitée. Mais on soir, le cousin cette dernière arrive chez les Grandet, on apprend alors que son père vient de mourir. Une histoire d’amour apparaît alors entre les deux cousins.

  • Jean Giraudoux est un romancier, dramaturge et diplomate né en 1882 et mort en 1944. Il est principalement connu par ses pièces de théâtre comme Ondine ou encore La guerre de Troie n’aura pas lieu.

 

Vous avez décidé de parler de l’adaptation de Jean Anouilh. Pourquoi cette version et pas l’originale de Sophocle, ou une autre adaptation ?


Celle d’Anouilh, en faite, c’est celle qu’on étudie avec les élèves de troisième. Celle de Sophocle est un petit peu plus difficile d’accès. Mais surtout, ce qui est génial, c’est que l’adaptation d’Anouilh se raccroche au contexte historique de la Seconde Guerre Mondiale. C’est une pièce qui a été jouée sous l’occupation donc les gardes sont dans les costumes de la gestapo. Du coup, elle nous interroge sur l’intemporalité de ce mythe d’Antigone qui symbolise la résistance. Et quand on est adolescent, « la résistance passe au pouvoir » c’est important. C’est ce qu’on traverse, c’est ce qu’on vit.



Est-ce que Antigone vous a inspiré ? Est-ce que vous la retrouvé en vous, ou est-ce que vous aimeriez lui ressembler ?


Antigone, la fascination que j’ai pour elle, c’est parce que je suis moins rebelle qu’elle. Je suis plutôt fascinée par ce personnage qui résiste. Mais pour moi, c’est plus difficile de résister et d’être dans la résistance.



Y’a-t-il d’autres personnages qui vous ont marquée ?


Oui, sa soeur. Par exemple, Ismène lui dit « Non ! J’ai peur, n’y va pas ! Faut arrêter d’enterrer Polynice. De toute façon il te détestait et puis ils vont tous nous humiliés, et ça fait peur». Elle est dans la peur et la terreur, et c’est un sentiment que je peux comprendre. Et Antigone, qui est son contre-point, elle m’a peut-être aidée dans des situations où moi j’avais peur. Je me suis souvent remémorée Ismène qui avait peur et Antigone qui s’en fiche complètement d’avoir peur et de ce qui pourrait arriver.


Il y a aussi le personnage d’Hémon, dans Antigone. Quand elle parle de l’enfant qu’ils n’auront jamais, ça m’émeut rien que d’en parler. En faite, elle renonce à son statut de femme quand elle renonce à Hémon. Cela m’a interrogée sur le rôle qu’on attribue aux femmes, le rôle de ventre. Ça a amené en moi la petite graine féministe, qui a poussé au fil des années.



Y a-t-il une phrase ou un passage, qui reste imprimé dans votre tête ?


Oui, il y a une phrase d’Antigone qui revient très régulièrement dans ma vie. C’est « Il ne faut pas que je sois petite ce matin » (rire). J’avais récupéré de vieilles versions d’Antigone qui étaient absolument inutilisables pour les élèves. J’avais commencé à plier les pages, et à un moment donner je déchire une page au hasard et je la colle dans mon carnet. J’ai des carnets de dessins, d’écritures… Et donc au hasard, en fermant les yeux, je colle une page « Il ne faut pas que je sois petite ce matin ». Et cette phrase elle revient un peu comme un Leitmotiv*, parce qu’il y a plein de raisons qui expliquent le faite que je puisse me sentir parfois petite alors que je vais bientôt sur mes quarante-cinq ans. Il faut que ça cesse. Mais, c’est tout un travail psychologique, et il y a des personnages littéraires qui vous aident à grandir. Même si c’est quand même une sale gamine, Antigone. (Rire).


Leitmotiv : formule qui revient fréquemment


Est-ce que vous auriez aimé participé à l’histoire d’Antigone ?


Et bien moi j’aurai aimé être Antigone, celle que je ne pourrais jamais être. C’est elle que j’aurais voulu jouer. D’ailleurs j’avais fait des extraits. Je m’étais éclatée avec une copine, on avait participé à un cours de théâtre au lycée et on avait refait certaines scènes. Oui, tant qu’à faire, s’il faut incarner un personnage autant que ce soit celui-là.


Est-ce que vous retrouvé des traits d’Antigone dans certaines personnes de votre entourage ?


Oui, je retrouve des Antigone chez certaines élèves. Il y a des élèves qui sont brillantes, vives mais dans la rébellion, dans le refus, dans l’opposition, dans la provocation. Et j’ai une affection particulière pour ces élèves-là. Souvent, j’ai de bons contacts avec elles parce que je crois que j’ai intégrer que c’est un passage de la vie.



Que pensez-vous de la relation de pouvoir dans cette pièce ?


L’opposition d’Antigone à Créon doit me faire avouer que non, je ne suis pas aussi courageuse qu’elle. J’ai beaucoup de mal à dire non et à m’opposer face à la hiérarchie. Non, je ne suis pas du tout aussi courageuse qu’elle. Surtout que, elle, elle est seule face au pouvoir. Par contre quand on est en manif’, qu’on fait des grèves et qu’on est tous ensemble à dire non, et bien c’est beaucoup plus facile. C’est beaucoup plus confortable et c’est plus facile pour moi à gérer. Mais je vis très mal un conflit avec la hiérarchie, c’est très compliqué pour moi à gérer. Donc malgré l’admiration que je peux avoir pour ce personnage-là, dans la réalité, ce n’est pas facile.

J’ai fait le tour, est-ce que vous voulez rajouter quelque chose ?


Et bien c’est quand qu’on la met en scène ? (Rire) En version dystopie-comique ? (Rire)


 

Et c’est ainsi que nous avons fini l’interview. Nous remercions Emilie Ducrocq de nous avoir partagé son temps ainsi que son amour pour la littérature.



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